L'Atelier

12 Février 2003


Les migrations virtuelles de l'internaute québécois

Depuis que l'Internet existe, il circule une pléiade d'idées préconçues à son sujet; «vérités» irréfutables et invérifiables. Pour le vrai, l'Internet est beaucoup plus difficile à cerner; la nature virtuelle, la nouveauté, l'envergure, l'évolution fulgurante, la singularité du "matera prima" (une liste de conventions télématiques) tous concours à rendre la tâche casse-gueule.

Le 24 janvier 03 paru, dans les médias, les conclusions d'un sondage récent, réalisé par la firme Léger Marketing en collaboration avec CEFRIO(1), sur l'utilisation que les québécois et québécoises font de l'internet. La méthodologie pour récolter les données est sans doute conforme aux règles de l'art, l'articulation de la thématique est honnête, par contre le jeux des catégories choisient pour regrouper les données (la pondération), emprunté aux masse médias, donne parfois lieu à des interprétations un brin débonnaire.

Pour télécharger un abrégé de trente cinq pages de cette enquête cliquez l'icone PDF ci-dessous.

Quelques conclusions équivoques.

«
1.1, L’évolution du phénomène depuis janvier 2000
Comme l’illustre la figure 1.1, l’utilisation d’Internet au Québec a connu une progression importante au cours des deux dernières années. De 34,3 % en janvier 2000, la proportion d’utilisateurs québécois adultes était passée à 53,5 % en décembre 2002. Un sommet de 56,4 % a même été atteint en février 2002, alors que pour la première fois, le taux d’utilisation dépassait le seuil du 55 %.
En nombre absolu, ces chiffres signifient que près de 3,2 millions de Québécois et Québécoises utilisent Internet, nombre qui exclut les internautes de moins de 18 ans.»

D'emblée, l'énormité de cette première conclusion éveille un scepticisme mesuré. Un pourcentage n'est pas une quantité mais la représentation d'un rapport dans un ensemble fini; que 56% des répondants aient utilisé l'Internet ne permet pas de conclure, sur le champ, que 56% de la population adulte du Québec en a fait autant, c'est un raisonnement du même calibre que "le mur est vert, la banane est verte, donc la banane est mur.". Combien de familles sont branchées à l'Internet? Les auteurs esquivent cette question en évoquant la nébuleuse notion «d’utilisation d’Internet» ; s'agit-il du nombre de fois par semaine où je me branche/débranche de l'internet et/ou le nombre de minutes par semaines que j'utilise l'Internet et/ou mon niveau de familiarité avec cette technologie pas évidente? Le manque de transparence dans la définition de cette notion charnière de l'enquête brouille la frontière entre les conclusions qui reposent sur des données vérifiées et celles qui relèvent d'un parti pris.


«4.2 La musique en ligne.»
Malgré la déconfiture de Napster en 2001, et tous les efforts de la RIAA (Recording Industry Association of America), le téléchargement de musique sur Internet continue de croître en popularité au Québec et ailleurs.
».

On ne peut que regretter l'adéquation téléchargement de musique = piratage. Si vous êtes un visiteur régulier du site MarcBault&Ami(e)s vous avez depuis un an téléchargé cinq oeuvres audio, soyez assurés que vous n'êtes coupable d'aucune piraterie, pas plus que si vous écoutiez les extraits de CDs offerts sur le site du vénérable magasin de musique Archambault, pas plus que si vous téléchargiez les démos offerts gratuitement sur les sites des gros et petits producteurs indépendants de musique. L'ingérence chimérique de la RIAA dans l'évolution des techniques de transfert de fichier audio est révélatrice de l'écart entre ce que les magnats des masse médias désirent que l'Internet soit et, ce qu'il est réellement.


Types de sites visités
La typologie s'avère inadéquate lorsque les auteurs tentent de répertorier les sites visités ; « ...pour le travail» (page 21) et «Les sites fréquentés à des fins personnelles» (page 29, ). Cet ensemble de catégories conflictuelles mènent à des conclusions embrouillées où 20% des données recueillies se retrouvent dans la rubrique fourre-tout "Autre"; c'est un flou énorme. Écarteler le paradigme masse média pour y insérer l'Internet conduit inexorablement à une cul-de-sac. L'Internet c'est pas la télé, ni la radio, ni la presse écrite. L'Internet est une sophistication de la téléphonie; le site Internet, une prolongation de la technologie du répondeur téléphonique. Le site Internet n'est pas plus un masse média qu'un répondeur téléhonique ne l'est. Entre les médias de masse et l'Internet il y a un 'no mans land', une brèche titanesque. C'est l'espace précaire qui sépare le curé du haut de sa chair qui dissémine les exemples de bonnes conduites chrétiennes à la masse des fidèles des paroissiens, et, celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui se concertent, potinent, complotent, bref se taillent une bavette, dehors, sur le parvis devant le portail.


En tant qu'oeuvre de démystification, on est bien loin du compte...



Marc Brault


(1) Le CEFRIO; le CEntre FRancophone d'Informatisation des Organisations;

http://www.infometre.cefrio.qc.ca/